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La greffe : les pratiques du Dr Visinesco

Par Dag Panco de Grid, le 2000/03/15.

Chaque domaine d'intérêt a ses légendes. Pour nous, les cactophiles roumains, le Dr Georges Visinesco est une légende, une légende vivante.

Éminent dermatologue, âgé maintenant de 86 ans, “Monsieur le Docteur”, comme nous aimons l'appeler, a commencé à étudier les cactus avant la guerre. Depuis, sa collection est devenue la plus importante et la plus prestigieuse du pays. Polyglotte, érudit, esprit scientifique, Georges Visinesco a pratiqué beaucoup d'expériences qui ont abouti à des résultats remarquables, allant parfois à l'encontre des usages établis.

Je me propose ici de diffuser, au bénéfice des “mordus de l'épine”, les trois méthodes énoncées dans le titre du présent article.

Le greffage

Je ne cherche pas à faire un exposé exhaustif sur le greffage, la méthodologie de celui-ci étant bien connue. Je vais, par contre, présenter les quelques règles spécifiques de la méthode Visinesco.

Le porte-greffe

1. Il est impératif que le porte-greffe soit “jeune”, car ainsi il sera vigoureux et en pleine végétation. La “jeunesse” du porte-greffe est fonction de celle de son système radiculaire.

Les porte-greffes recommandables sont les suivants :

Trichocereus et Cereus (porte-greffes de plus de 2,5 cm de diamètre pour les gros greffons, recommandables aussi pour les grosses plantes dont la survie immédiate est absolument nécessaire). À la fin de chaque été, on coupe les rejets qui seront les porte-greffes à préparer pour la saison à venir. On les laisse cicatriser, en les plaçant debout, “tête en bas”, dans une caisse et on les laisse ainsi jusqu'à la fin novembre. À la fin novembre, on les remet en position normale “tête en l'air”. La plupart d'entre eux auront des “moustaches” en avril. Le moment est alors venu de mettre en terre ces futurs porte-greffes, afin que, début de juin, ils soient prêts à être décapités et utilisés pour ce à quoi ils ont été préparés. Les têtes sectionnées seront mises à enraciner et formeront elles-mêmes des rejets à employer l'année suivante.

Eriocereus (jusbertii et guelichii - porte-greffes très puissants recommandables pour greffons moyens que l'on désire forcer), Myrtillocactus (porte-greffe recommandable surtout pour Mammillaria, à éviter dans les serres où la température descend vers 0°C), Echinopsis et Mediolobivia. Les porte-greffes sont choisis, préparés et enracinés avant la fin de l'été. Ils sont ensuite placés dans une caisse à compost où ils passeront l'hiver. Au printemps suivant, on les replante en prenant soin de couper les racines les plus vigoureuses. En juin, ils seront prêts.

Pereskiopsis (porte-greffe super puissant pour les toutes petites plantes provenant de semis) Fin avril, début mai, on coupe les tiges de Pereskiopsis en tronçons de deux noeuds. On plante ces boutures dans des petits pots, on les place dans une mini-serre bien au chaud et on les arrose abondamment avec des solutions nutritives “pour légumes” (c.à.d. ayant une proportion d'azote plus élevée que dans les engrais habituellement employés pour les cactus). Le porte-greffe est utilisable quand il atteint une hauteur de près de 20 cm. Il ne faut jamais le défeuiller !

Remarque : je ne préconise pas comme porte-greffe les Hylocereus (cactus à trois côtes, très couramment employés comme porte-greffe dans les productions de masse), car ils présentent de nombreux inconvénients, en particulier une très faible résistance à basse température.

ATTENTION : l'état juvénile (au sens d'état physiologique) des porte-greffes étant maintenu par le renouvellement du système radiculaire, tous les ans il est souhaitable de dépoter les plantes greffées, de leur couper les vieilles racines ligneuses et durcies, de laisser cicatriser deux ou trois jours et de rempoter le tout pour maintenir et prolonger la vie et la vigueur des porte-greffes.

2. Il est impératif que l'ensemble porte-greffe / greffon soit fixe pendant la phase de soudure. Pour cela le porte-greffe doit être parfaitement stable et rigide. C'est une règle d'or. En effet, lors de l'opération de greffage, pour que les résultats soit optimums, il faut que le porte-greffe soit bien immobilisé. Selon le type de porte-greffe, on peut obtenir cela par les manières suivantes :

  • On se fabrique des supports spéciaux et on utilise des porte-greffes déracinés - c'est la meilleure solution.
  • On immobilise le porte-greffe avec des baguettes en bois, dans le cas où il est planté en pot - bonne méthode, mais ne permettant pas de vérifier une dernière fois l'état du système radiculaire du porte-greffe. Cette méthode est recommandable surtout pour les greffes sur Pereskiopsis.

Les supports spéciaux pour maintenir le porte-greffe peuvent être fabriqués facilement avec les matériaux suivants :

  • Matériaux tubulaires :
    • Tubes de médicaments.
    • Cannettes de bière.
    • Tuyaux divers.
    • etc.
  • Éponge synthétique.

Construction :

  • On découpe les matériaux (boîtes et tuyaux), pour confectionner des tubes de différents diamètres et longueurs.
  • On découpe en bandes longitudinales les boîtes de bière, Ces bandes auront des dimensions telles que deux bandes, introduites dans un tube et en épousant les parois, auront un diamètre inférieur à celui-ci.
  • On répète l'opération avec l'éponge.

On obtient ainsi un ensemble concentrique - tube, tôle, éponge. Voilà le dispositif ! Rien de plus simple !

Fixation du porte-greffe :

  • On choisit son porte-greffe, on lui applique les éponges, les cales en tôle et on l'introduit dans le tube approprié en prenant soin que leurs diamètres correspondent afin d'obtenir la rigidité nécessaire. Le porte-greffe ne souffrira pas pendant les quelques jours qui seront nécessaires au greffon pour se souder au porte-greffe.

Une fois l'opération terminée, on replante le porte-greffe. Les cas d'échecs sont presque nuls. Généralement, la plante redevient active après un temps de convalescence d'environ trois semaines - sinon c'est que la greffe n'a pas été faite comme il faut. On peut noter aussi l'intérêt de pouvoir manipuler très facilement l'ensemble sans faire tomber le compost.

3. Il est nécessaire que le porte-greffe soit choisi de façon à ce qu'il ait des dimensions appropriées au greffon. Pour les plantes adultes ou de moyennes dimensions, le porte-greffe doit avoir un diamètre égal à celui de la plante. Pour les plantes qui seront regreffées l'année suivante, le greffon peut être plus petit.

ATTENTION ! - sauf les Echinopsis et Mediolobivia, les porte-greffes sont généralement des cierges. Cette caractéristique est à l'origine de certaines déformations des plantes globulaires qui, avec l'âge, deviennent colonnaires. Ainsi, un Copiapoa greffé sur un Trichocereus prendra souvent d'emblée un port colonnaire peu plaisant.

Le greffon

On peut greffer avec de bonne chance de réussite des plantes ayant été coupées “bas”. Il est cependant préférable de couper la plante au-dessus de son “équateur” pour les globulaires, et au niveau du dernier tiers pour les colonnaires. De même, dans le cas des jeunes Ariocarpus la coupe doit se faire au-dessus de “l'équateur” de l'hypocotyle (zone unissant la racine principale à la zone d'insertion des cotylédons).

La coupe doit se faire sans précaution ni considération esthétique pour la base restante de la plante, car soit c'était une plante condamnée, soit le tronc restant donnera des rejets. On aura par contre l'avantage d'obtenir un très bon greffon - c'est à dire une plante ayant le plus de chances de bien se souder.

ATTENTION : chez certaines plantes (Aztekium, par exemple) le méristème apical (zone de croissance apicale, groupe de cellules formant le “bout” de la plante - centre de croissance) est très profond. Il faut être très attentif lors de la coupure transversale, car tout atteinte faite au méristème peut tuer le greffon.

La greffe

La méthode Visinesco a démontré que les meilleures greffes sont obtenues quand les deux plantes sont unies intimement sur toute la surface coupée.

Les méthodes de travail sont les mêmes que pour les greffages habituels sauf que les biseautages des bords du porte-greffe et du greffon, qui généralement se font sur 7 mm à 1 cm, ne doivent pas dépasser 2 millimètres. Évidemment cela demande beaucoup de maîtrise de la coupe, mais apporte certains avantages pratiques.

  1. L'échange de substances entre les deux plantes s'effectue sur une plus grande surface.
  2. L'ensemble est plus robuste.
  3. Les parasites n'ont plus où se loger, un an ou deux après le greffage, quand le greffon croît en débordant son point de soudure.
  4. On évite surtout les infections par des cryptogames qui sont la plaie de nos contrées moins ensoleillées et plus humides que les contrées d'origine des cactus.
  5. Du point de vue esthétique, l'aspect de l'ensemble paraît beaucoup plus fort et plus sain.

Plus les surfaces mises en contact sont grandes, plus il est difficile de combler la concavité entre elles. Une simple astuce nous donne la solution. Le système employé pour la fixation du greffon est celui des élastiques, mais le truc consiste à placer sur l'extrémité du greffon une boule de papier mâché humide. Ainsi, la pression des élastiques est amortie et répartie par la boule en question, celle-ci faisant office de “piston” sur le centre du greffon, en favorisant son contact étroit avec le porte-greffe.

Pour les greffages des semis de un ou deux mois sur Pereskiopsis on emploie une autre astuce, un peu plus compliquée. Il faut se procurer des tubes en verre ayant le diamètre intérieur de 1-2 mm plus grand que le diamètre du porte-greffe choisi, soit 6 mm pour les tiges de l'année. Pour chaque tube on fabrique un petit piston en verre de 2 cm de long, à partir d'une baguette de 5 mm diamètre. On pose le greffon en tenant compte des règles concernant la concordance des cylindres de croissance des deux plantes, on place le tube qui prend appui sur les premières feuilles du porte-greffe et on fait coulisser le petit piston qui fait office de poids sur la plantule greffée. Généralement, le temps nécessaire a la soudure du greffon est de 6 à 24 heures, en tenant compte de la température et de l'humidité de la serre, bien entendu.

Greffes et photos par Alain Laroze. Les plantes photographiées sont dans le même plan de vue, c'est à dire qu'il n'y a aucun effet d'optique. Les différences de tailles que vous percevez sont réelles :

3 semaines après la greffe : 3 semaines après la greffe

Le résultat au bout de deux mois et demi. Dans le pot de droite, on peut voir le reste du semis décapité ayant été greffé : 2 mois et demi après la greffe

La croissance accélérée par greffages successifs

Cette méthode consiste à faire croître rapidement une plante - la “gonfler” - mais par un procédé naturel et non en la gavant d'engrais dans le cadre d'une culture pratiquée sur compost neutre ou par hydroculture.

Le procédé est simple, mais demande une certaine adresse à greffer et le courage de débuter.

Il faut semer fin avril. Au début de juin les semis sont déjà puissants. À la mi-juin on choisit les plantules et les porte-greffes. Le Pereskiopsis de près de 20 cm de haut, doit être de l'année. On le coupe à 1-2 cm de son extrémité (il ne faut surtout pas défeuiller la plante). Une fois les plantes choisies on effectue la greffe. Les plantes “mixtes” ainsi obtenues ne seront pas mises au repos l'hiver, mais seront maintenues en pleine lumière (avec même un supplément si nécessaire), au chaud et arrosées.

Le résultat est le suivant : une Eriosyce semée en avril aura 3,5 - 4,0 cm de diamètre à la fin septembre (même année) et très souvent un tas de rejets. Le léger étiolement qui se produit en hiver à cause du manque de repos, va être compensé en juin, quand la plante sera regreffée sur un Eriocereus. Déjà, à partir de la troisième année, la plante peut être mise à enraciner ou (pour les Mélos, par ex.) , peut être transférée sur un Trichocereus, ou une autre plante. Des regreffages successifs seront pratiqués jusqu'à ce que la plante atteigne la dimension voulue.

ATTENTION : les rejets des plantules greffées sur Pereskiopsis seront, comme les rejets d'Echinopsis, des rejets à faible floraison et rejetant eux même très souvent. La plante-mère, par contre, sera une plante normale.

La méthode d'enracinement

M. Visinesco et moi-même avons trouvé que la meilleure méthode d'enracinement est la suivante:

Comme dans toutes les méthodes, le rejet coupé est désinfecté, saupoudré d'une substance stimulante et mis à cicatriser. Nos expériences ont démontré qu'il y a une solution préférable au sable, perlite et autre : le rejet est placé, sans contact direct, au-dessus d'une source obscure d'humidité constante.

Quand on n'a pas s'occuper d'une grande quantité de rejets, un récipient sombre avec de l'eau de pluie est suffisant. Il faut s'assurer que l'eau soit à peu près à deux centimètres de la partie inférieure de la plante. Pour un plus grand nombre de plantes, on peut se construire une mini-serre dans laquelle on place les plantes sur un treillis au-dessus de l'eau.

Les avantages de cette technique sont les suivants :

  1. Les plantes feront leurs racines plus vite.
  2. On peut suivre le rythme de la croissance des racines et choisir le moment de la mise en terre, sans gêner les radicelles.
  3. Le milieu est complètement stérile - on évite les cryptogames, les bactéries et autres sournoises créatures.

Je crois devoir présenter un problème auquel je peux donner une explication mais non la solution. Les Ariocarpus présentent une caractéristique qui rend très difficile, sinon l'enracinement du greffon, du moins la survie de la plante pour plus d'une année. Les Ariocarpus font de grandes réserves dans leurs racines pivotantes (semblables à un gros radis). Cependant, cette réserve n'est pas seulement constitué par la racine mais aussi par l'hypocotyle de la plante. Pour bien greffer, ainsi que je l'ai dit plus haut, il faut couper l'hypocotyle au-dessus de son équateur virtuel (au-dessous de celui-ci le réseau libérien et le réseau ligneux se croisent ne permettant plus le greffage, par faute de soudure des vaisseaux libériens respectifs du greffon et du porte-greffe). L'enracinement produira des racines fasciculées (et non pivotantes) qui peuvent nourrir la plante pendant les périodes de végétation, mais qui ne peuvent pas assurer sa survie en hiver. Et si on arrose… Malheureusement la partie coupée de l'hypocotyle ne se régénère pas, ne permettant pas à la plante d'affermir ses racines.

Les méthodes décrites au-dessus ne sont que le reflet d'une passion consacrée à la vie elle-même. En deux mots : notre passion.

Remerciements

Je remercie Yann Cochard d'avoir bien voulu corriger mon orthographe et mon français, travail qui - croyez-moi - fut fort fastidieux.
Je remercie Gérard Dumont d'avoir bien voulu corriger mon style en réécrivant une bonne part de mon texte.
Je remercie Alain Laroze d'avoir fourni les photos illustrant cet article.

Auteur : Dag Panco de Grid.
Publié le : 2000/03/15.
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