Denmoza Br. & R.
Graham Charles nous parle de Denmoza rhodacantha, un remarquable et finalement imposant cactus d'Argentine.
Cet article a originellement été publié en anglais dans la revue de l'association anglaise BCSS BCSJ 22 (2) june 2004
Merci à Graham Charles et à la BCSS pour leurs autorisations de traduction et publication ici.
J'ai toujours été attiré par les cactus hors du commun comme Stenocactus eruca (le Diable Rampant), Calymmanthium substerile et Ortegocactus macdougallii. On ne peut les confondre avec une autre plante tellement ils sont reconnaissables.
Le genre Denmoza ne comporte qu'une seule espèce, et celle ci mérite de figurer parmi ces cactus hors du commun. Pourtant, au contraire des plantes citées précédemment, Denmoza rhodacantha n'a pas un habitat restreint, mais est présent dans une vaste zone géographique sur le flanc Est des Andes, aux contreforts de l'Argentine (carte 1). Son nom est l'anagramme de son site type présumé, Mendoza.
L'histoire de ce taxon est longue et intéressante. Même si le genre Denmoza ne fût crée qu'en 1922 par Britton & Rose, Salm-Dyck en publie la première description valide en 1834 sous le nom d'Echinocactus rhodacanthus. Le premier récit d'une plante ayant été importée en Europe date de 1820, quand le botaniste écossais John Gillies expédia des cactus de Mendoza. Il les nomma Cactus coccinea, un nom invalide n'accompagnant aucune description de la plante. Un récit complet et fort intéressant de l'histoire de cette espèce fut publiée par Beat Leuenberger dans la revue Haseltonia 1 (1993).
La relation entre Demnoza et les autres cactus a été un sujet à spéculations diverses. Les fleurs tubulaires de cette plante, pollinisées par un colibri, ont conduit les taxonomistes à associer celle ci avec le genre Cleistocactus. Il n'existe pourtant pas d'études scientifiques (notamment d'analyse moléculaire) permettant de confirmer cette relation, mais il semble probable que ce type particulier de fleur est lié à l'évolution phylogénétique de l'espèce. Toutefois, il semble que la fleur de Denmoza ne soit pas le meilleur indicateur pour clarifier sa relation avec d'autres espèces. Une autre piste, développée par Ritter et Barthlott, propose de rapprocher Denmoza d'avec Oreocereus, une idée confortée par la similarité des graines.
Le nom Denmoza erythrocephala se voit parfois sur certaines étiquettes. Ce nom provient de la re-description de l'espèce par Schumann comme Pilocereus erythrocephalus à la fin du 19ème siècle qui fût transféré plus tard dans le genre Denmoza par Berger. Ce nom subsiste encore dans les collections, bien que décrivant des plantes originaires de la même zone géographique que l'espèce type, et devant être considéré comme un synonyme et par conséquent rejeté.
La plante se trouve généralement de préférence dans un habitat rocheux, à une altitude de 1000 à 3000 mètres, habitat qu'elle partage souvent avec les grands Lobivia, plus connus sous le nom de Soehrensia. Et en fait, une certaine expérience est requise pour différencier les deux car elles se développent jusqu'à la même taille et ont une forme semblable (Fig.3).
Bien sur, une fois en fleur, le doute n'est plus permis, les fleurs rouges et tubulaires de Denmoza sont particulièrement reconnaissables et très différentes de celles de Lobivia, largement campanulées.
Là où ils sont présents, les Denmoza sont généralement abondants et bénéficient d'une longue période de floraison produisant des fruits en abondance. La taille des plantes varie dans l'habitat de moins de 30cm jusqu'à plus de 4 m, les populations du sud de son aire de distribution semblant être les plus grandes. Aux environs de Cacheuta, à l'Est de Mendoza, les plantes forment de vigoureuses colonnes de plus de 4m de hauteur avec d'énormes rejets dans leur partie basse (Fig. 4). Il est intéressant de noter que Lobivia formosa atteint dans cette même zone géographique sa taille maximale, plus de 5m de haut, bien que je n'en aie moi-même pas vu de tels exemplaires.
Bien que d'ordinaire pourvu d'une spination rouge, il existe toutefois une forme à aiguillons jaune répandue en collections d'amateurs. Je n'ai pas visité l'habitat de cette forme jaune, mais les plantules DJF 186 portent des aiguillons jaunes et sont originaires de Agual de Toro, Mendoza.
Lors d'un voyage dans le Nord de l'Argentine en 1995, j'ai voyagé depuis la Pampa de Cachi jusqu'à la route pour Amblayo. On y trouvait beaucoup de Denmoza poussant sur un sol sableux et plat, les plus grands atteignant 80 cm de haut. Environ 7 km avant Amblayo, la route traverse de basses collines et j'y ai vu, ce qui de prime abord passait pour être de très grands spécimens de Denmoza, mais qui après un examen plus poussé serait plutôt à mon avis des hybrides avec Echinopsis (Trichocereus) pasacana qui pousse également dans la région. Cette conclusion fut également partagée par Font et Picca dans leur article à propos de cette région.
Denmoza rhodacantha est une splendide plante à cultiver, et les spécimens âgés ont beaucoup de succès lors des expositions, de célèbres spécimens ont régulièrement remporté des concours dans les années passées. Jeune, la plante est globulaire et dotée d'une forte spination. Le rythme de croissance peut être rapide si tant est que la plante dispose d'assez d'espace pour ses racines, le port devient alors columnaire et les épines plus longues et plus fines, la couronne devenant souvent inclinée. Contrairement à une idée très répandue, vous pouvez voir fleurir un Denmoza, même dans un petit pot. Je cultive deux jeunes plantes à partir de graines que j'ai récoltées dans l'habitat, à l'Est de Zonda en 1992 (GC15.01). L'an passé, l'une de ces deux plantes a fleurit alors qu'elle n'est que dans un pot de 9 cm. Bien sûr celle ci serait sûrement plus grosse si je l'avais rempotée plus souvent ! (Fig. 1). Je cultive de nombreuses plantes issues de graines collectées sur plusieurs sites, et si certaines ont fleurit dans des pots d'un diamètre inférieur à 13 cm, d'autres, même plus grandes, n'ont jamais fleuri. La chance intervient sûrement, mais une exposition ensoleillée est primordiale. Il serait tentant de supposer que les plantules issues de populations constituées de plantes de taille réduite, fleuriront à partir d'une petite taille, mais mon expérience personnelle vient contredire cette possibilité.
Références
- Britton, N. L. & J. N. Rose (1922) The Cactaceae Vol.III, The Carnegie Institution
- Font, F. & P. Picca (2001) The Geographic and Conservation status of Lobivia walteri and Trichocereus smrzianus, BCSSJ (19) 2 - 14
- Kimnach, M. (1960) A Revision of Borzicactus, C SJ (US) (32) 8 - 13
- Leuenberger, B (1993) The Genus Denmoza Br. & R. : Taxonomic History and Typification, Haseltonia 1, 86 - 94
- Schumann, K. (1897-98) Gesamtbeschreibung der Kakteen, Neumann
- Strigl, F. (1998) Rote Blüten aus schiefem Scheitel, KuaS 49 (3) 67
Illustrations
- Fig. 1 Un jeune Denmoza rhodacantha GC15.01, Est de Zonda alt. 1000m, San Juan (fleurissant dans un pot de 9cm)
- Fig. 2 Denmoza rhodacantha JL76, Termas de Talacasto alt. 1300m, San Juan
- Fig. 3 Lobivia formosa (à gauche) avec Denmoza rhodacantha (à droite) GC406 dans la Sierra Famatina, alt. 2200m, montrant leurs similarités.
- Fig. 4 Denmoza rhodacantha GC225.03 de 4 m de haut, poussant au sud de Cacheuta, Mendoza
- Carte 1 Sites où l'auteur a observé Denmoza rhodacantha en Argentine
Auteur : Graham Charles (article original en anglais).
Publié le : 2005/03/20
Traduction : Pierre Gambart. Relecture : Alain Laroze.
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