Sponsor du CF
Agenda
22, 23 et 24 mars 2024
Tendance Nature (Reims) (Reims, 51, France)
J'y vais
23 et 24 mars 2024
Foire aux plantes rares de St-Priest (St-Priest, 69, France)
J'y vais
23 et 24 mars 2024
Fête des plantes de Locon (Locon, 62, France)
J'y vais
23 et 24 mars 2024
Le printemps des jardiniers (Savigny le Temple, 77, France)
J'y vais
23 et 24 mars 2024
Fête des plantes du Mucem (Marseille, 13, France)
J'y vais
24 mars 2024
Primavera (Montpellier, 34, France)
J'y vais
Toutes les dates

Diversité génétique des collections de cactées

INTRODUCTION

La question de la direction de l’évolution génétique de nos collections de cactées est fréquemment posée, notamment en comparaison avec la génétique des populations à l’état naturel. Même si les mécanismes génétiques en jeux dans les collections restent les mêmes que dans le biotope naturel, l’importance de chacun d’eux varie beaucoup par rapport au milieu naturel.

On dénombre 4 paramètres principaux qui permettent de définir l’évolution du polymorphisme génétique d’une population :

  • Les mutations génétiques
  • La sélection
  • La migration
  • La dérive génétique


Les notions présentées dans l’article peuvent s’appliquer à n’importe quelle collection de plantes, et pas uniquement aux cactus.

Point important : les plantes sont l’objet d’une double transmission des caractères génétiques à la descendance, suivant la localisation de ceux-ci dans la cellule : le génome nucléaire subit une transmission mendélienne (par les deux parents) et le génome cytoplasmique une transmission non-mendélienne (exclusivement par la mère). C’est principalement la transmission mendélienne qui est ici prise en compte.

LES MUTATIONS GENETIQUES

Qu’est ce que c’est ?

Définies ici au sens très large, il s’agit de toute modification ou tout remaniement de l’information génétique portée par le patrimoine génétique (le génome) d’une plante :

  • la modification de l’information génétique contenue dans un gène (mutation au sens strict : le changement de la séquence génétique de l’ADN),
  • le déplacement de séquences génétiques à l’intérieur du génome (la transposition de séquences d’ADN),
  • la duplication, l’inactivation ou la délétion de gènes à l'intérieur du génome.

Remarque sur le bouturage : Contrairement aux idées reçues, la multiplication végétative (bouturage) n’est pas synonyme de préservation à l’identique du patrimoine génétique d’une plante, même si les modifications génétiques sont ici très faibles. Les cellules accumulent des mutations ou des remaniements génétiques au cours de la croissance de la plante : le patrimoine génétique des cellules à l’extrémité d’un rameau a évolué et n’est plus exactement identique au patrimoine génétique de la base du rameau (ceci a été très clairement démontré, par exemple pour la vigne, ou il est possible d’obtenir des cépages différents à partir des rameaux d’un seul pied de vigne multiplié par bouturage).

Qu’est-ce que ça fait ?

Dans leur ensemble, les mutations génétiques sont responsables de l’augmentation de la diversité génétique d’une population, en introduisant des « nouveautés » génétiques, généralement de manière aléatoire. Seules les mutations génétiques sont responsables de l’introduction d’innovations dans la vie.

Quelle est leur importance ?

Les mutations génétiques au sens strict sont de fréquence habituellement assez faible. Elles sont constitutives des organismes et peuvent aussi être causées par tout un tas d’agressions sur la plante : les rayons ultraviolets du soleil, des agents chimiques, etc. Le remodelage et le remaniement du génome du fait de transpositions ou de duplications de séquences génétiques sur les chromosomes sont plus fréquents que les mutations au sens strict. Ce remodelage génétique a lieu de façon normale chez toutes les plantes, souvent au moment de la reproduction sexuée (lors de la méiose), ou parfois du fait d’attaques bactériennes ou virales.

Et dans une collection ?

Les mutations génétiques dans une collection restent d’importance semblable à celles qui se produisent dans le milieu naturel, c’est à dire faibles. Le collectionneur guette dans sa collection l’apparition de caractères nouveaux chez ses plantes et les isole pour constituer des lignées de cultivars (nombreux et bien connus chez les Astrophytum par exemple). Ces caractères nouveaux sont habituellement repérés chez les jeunes plantules issues des semis.

LA SELECTION

Qu’est ce que c’est ?

C’est toute action ou condition qui fait que certaines plantes accéderont à la reproduction et que d’autre ne le pourront pas : elles seront éliminées avant d’arriver à maturité ou empêchées de se reproduire.
Cette sélection peut être :
- La sélection naturelle : les conditions de vie, de culture ou environnementales sont incompatibles avec la survie de certaines plantes, ou de leur reproduction, du fait de caractères particuliers de ces organismes.
- La sélection dirigée : tel collectionneur éliminera certaines plantes de sa collection (ou de ses semis) ou bien reproduira certains sujets qu’il a sélectionnés, suivant des critères personnels.

Qu’est-ce que ça fait ?

Le résultat de la sélection, et par conséquence de l’élimination des organismes, est toujours un tri génétique : l’élimination de certains organismes entraîne la perte de l’information génétique qu’ils possédaient.
La sélection est toujours responsable d’une baisse de la diversité génétique d’une population.
A noter que la sélection génétique dirigée par un collectionneur peut aller dans le sens inverse de celui de la sélection naturelle : tel caractère qui serait irrémédiablement éliminé dans la nature peut au contraire être sélectionné chez une plante par le collectionneur. C’est le principe d’obtention des cultivars.

Quelle est son importance ?

L'importance de la sélection est très variable : suivant la pression de sélection qu’exerce le milieu de culture ou le collectionneur, elle peut être forte ou faible.

Et dans une collection ?

Suivant les conditions de culture, la sélection naturelle dans une collection peut être très différence de celle du milieu naturel. Par exemple, si un collectionneur a l’habitude de beaucoup arroser des cactus il sélectionnera des patrimoines génétiques qui confèrent une bonne résistance des plantes à l’humidité, alors qu’au contraire dans le milieu naturel des patrimoines génétiques conférant une bonne résistance à la sécheresse auraient pu être sélectionnés.
La sélection dirigée est évidement celle qui risque le plus de s’éloigner de celle dans le milieu naturel, en particulier quand des cultivars sont maintenus en vie, qui auraient pu n’avoir aucune chance de survie dans le milieu naturel.

LA MIGRATION

Qu’est ce que c’est ?

C’est le brassage génétique entre plusieurs populations lors de la reproduction, c'est-à-dire l’inverse de la consanguinité.

Dans la nature le brassage génétique des populations de cactées passe par la diffusion des graines et du pollen des plantes au-delà de leur aire géographique, vers des populations distantes avec qui elles vont se reproduire.

Dans une collection le brassage génétique passe par :
- L’introduction de nouvelles plantes (échanges entre collectionneurs, achats, etc) et leur utilisation pour la reproduction
- L’hybridation entre des plantes qui n’en auraient pas la possibilité dans la nature
- La fécondation des plantes par utilisation du pollen issu de plantes d’autres collections

Qu’est-ce que ça fait ?

Chaque population, du fait de ses conditions de vie, va progressivement sélectionner des allèles particuliers au sein de son patrimoine génétique et va donc diverger génétiquement des autres populations (c’est la base de la spéciation allopatrique). La migration conduit toujours à une augmentation de la diversité génétique d’une population, par introduction de caractères génétiques nouveaux issus de l’autre population. La migration augmente la diversité des allèles des organismes.

Quelle est son importance ?

Très variable, suivant les échanges reproductifs entre populations et les divergences génétiques entre les plantes qui se reproduisent entre elles. En fait les effets de la migration peuvent varier d’un extrême à l’autre : la reproduction entre plantes parentes (= l’absence de migration) va appauvrir peu à peu le patrimoine génétique d’une collection alors que l’hybridation entre espèces distinctes va introduire des variations génétiques qui n’auront rien à voir avec celles que l’on peut observer dans la nature. Certaines espèces, en particulier des Opuntia, ont cependant l’habitude de largement s’hybrider dans le milieu naturel, au point que des hybrides naturels stabilisés sont parfois assimilés à de nouvelles espèces.

Et dans une collection ?

Ce sont les habitudes de reproduction des plantes du collectionneur qui règleront toute l’importance de l’évolution du polymorphisme génétique de la collection : hybridations, échanges avec d’autres collectionneurs, achats de nouvelles plantes, etc, augmenteront le polymorphisme des plantes de la collection au cours des générations. Il est toujours difficile pour un collectionneur de savoir si les plantes qu’il utilise pour la reproduction ne sont pas des hybrides.
Comme pour la sélection, la migration dans une collection peut être inférieure ou supérieure, ou radicalement différente, de celle du milieu naturel.

LA DERIVE GENETIQUE

Qu’est ce que c’est ?

C’est un concept assez peu intuitif, et moins connu que les précédents, mais très important.
Un organisme contient 2 exemplaires de chacun de ses gènes, l’un issu du père et l’autre de la mère : chaque exemplaire est un allèle, qui peut être différent de l’autre.
La reproduction sexuée procède par échantillonnage : un gamète mâle (spermatozoïde ou pollen) et un ovule ne contiennent que la moitié du patrimoine génétique de la plante qui les a produits, et donc seule une fraction des allèles d’un organisme est transmise à la génération suivante. Même si - en moyenne - tous les allèles ont des chances égales d’être transmis, du fait de cet échantillonnage aléatoire à chaque génération certains allèles peuvent être plus transmis que d’autres : c’est la dérive génétique.
Dans le cas de la reproduction végétative, ce phénomène, même s’il est bien moindre, existe aussi (voir le paragraphe « Remarque sur le bouturage » au dessus).

Qu’est-ce que ça fait ?

La dérive génétique conduit toujours à une baisse de diversité génétique, du fait que certains allèles peuvent disparaître au fil des générations. On peut obtenir en bout de course des plantes homozygotes pour chaque allèle, et un allèle perdu dans une population l’est définitivement.

L’effet fondateur :
L’effet fondateur est un terme qui désigne l’envahissement d’une population par une ou plusieurs caractéristiques génétiques qui étaient présentes chez un individu, ou un petit nombre d’individus, fondateurs de cette population. Une population qui croit à partir d’un petit nombre d’organismes, sans échange génétique avec l’extérieur (sans migration), va amplifier les allèles des individus fondateurs. L’effet fondateur est un effet de la dérive génétique.

Quelle est son importance ?

La fluctuation aléatoire de la fréquence des allèles dans la population au cours des générations de plantes (en absence de pression de sélection), est d'autant plus forte que la population est petite : plus le nombre de plantes qui se reproduisent entre elles est petit plus la dérive est forte, et plus le polymorphisme génétique de la population baisse au cours des générations. La migration s’oppose à la dérive génétique en réintroduisant des allèles nouveaux dans la population.

Un cas extrême : l’autogamie
Il faut citer l’autogamie (ou autofécondation), qui correspond à une reproduction à partir du pollen et d’un ovule issus de la même plante. Les effets de la dérive génétique en situation d’autogamie sont maximaux. Dans la nature une plante se trouve confrontée à 2 possibilités :

  • n’autoriser que l’allogamie (l’impossibilité de l’autofécondation) pour assurer la diversité génétique de sa descendance, tout en prenant le risque de ne pas trouver de partenaire sexuel et de ne pas pouvoir se reproduire.
  • Autoriser l’autogamie pour s’assurer une descendance même en absence de partenaire sexuel, tout en prenant le risque d’être fécondée par son propre pollen plutôt que par celui d’un partenaire, et de maximiser ainsi la dérive génétique.

C’est l’équilibre entre ces avantages et ces inconvénients respectifs, en rapport avec le mode de vie des plantes, qui fera que la sélection naturelle favorisera ou empêchera la possibilité d’autogamie des espèces.

Et dans une collection ?

La fréquence des allèles de quelques plantes prélevées dans le milieu naturel peut ne pas être représentative de celle de la population totale. Si elles ne sont pas issues de « pieds parents » constants, les plantes qui vont être surmultipliées dans les serres commerciales et diffusées à l’ensemble des collectionneurs vont très rapidement être victime de la dérive génétique et de l’effet fondateur : la diversité génétique des plantes cultivées depuis des générations en serre n’a plus grand chose à voir avec celle des plantes du milieu naturel.
Dans une collection la dérive génétique peut être extrême, surtout si le collectionneur à l’habitude de croiser fréquemment ses plantes entre elles, et que la collection est petite et peu renouvelée avec des plantes extérieures.

CONCLUSION

Du fait des habitudes variables des collectionneurs, il est impossible de définir une tendance générale pour la diversité génétique des collections de cactées, sauf à dire que les plantes ont probablement fortement divergé de celle des populations naturelles.
La conclusion amène obligatoirement à introduire la notion de fardeau génétique, qui est l’aune à laquelle se mesurent les avantages ou inconvénients de la diversité génétique d’une population de cactées interféconds.

Le fardeau génétique :

Il désigne l’ensemble des variations génétiques défavorables dans une population : en effet, la présence d’organismes avec des génotypes différents au sein d’une population indique que l’adaptation de la population aux conditions de vie n’est pas optimale : cette diversité génétique est un fardeau à porter pour la population.
Dans le cas présent, le fardeau génétique mesure l’écart entre l’adaptation optimale d’une collection (dont toutes les plantes auraient le meilleur génotype possible) et l’adaptation réelle de la collection aux conditions de culture. Le fardeau génétique pointe donc un déficit d’adaptation de certaines plantes à leurs conditions de culture à un moment donné (car certains allèles peuvent être inutiles, voire néfastes pour les plantes qui les contiennent).

Les causes du fardeau génétique sont les 4 mécanismes génétiques identifiés ci-dessus : mutation, sélection, migration et dérive génétique.

Cependant, le fardeau génétique, en tant que déficit d’adaptation génétique, ne se conçoit que pour une collection qui croit dans des conditions stables et constantes : si les conditions de culture sont stables, des gènes optimaux seront progressivement sélectionnés par élimination progressives des informations génétiques sub-optimales au cours des générations de plantes (car les plantes qui sont mal adaptées aux conditions meurent, poussent mal ou ne fructifient pas : elles ne transmettront pas, ou mal, leurs gènes).

  • Stabilité / instabilité du milieu de culture dans les serres : si des collections croissent dans des conditions différentes et si des échanges de plantes, de pollen ou de graines ont lieu entre collectionneurs – ou bien si il y a introduction de graines ou de plantes venant de l’habitat - alors il est impossible qu’un génotype optimal pour chacune de ces collections soit sélectionné. La migration des gènes entre collections entretient le fardeau génétique de chacune des populations.
  • Stabilité / instabilité du milieu de culture au cours du temps : la modification des conditions de culture au cours du temps fait que les génotypes qui étaient optimaux à un certain moment ne le seront plus à un autre moment. Les variations des conditions de culture entretiennent le fardeau génétique.


Le fardeau génétique est à double tranchant, plus le collectionneur a une collection dont le fardeau génétique est élevé, plus il devra faire varier les conditions de cultures entre les différentes plantes (température, humidité, luminosité, protection contre les parasites, etc.), sous peine d’en voir disparaître certaines. D’un autre côté, la diversité des phénotypes de la collection fait qu’il y aura toujours des plantes plus résistantes que d’autres aux conditions de cultures, à un moment donné, et qui seront favorisées en cas d'erreurs de culture.
Bref, si la diversité génétique au sein d'une population naturelle peut se concevoir du fait de la variabilité des biotopes et des conditions de vie, au sein d'une collection elle ne peut trouver sa raison d'être que pour des raisons esthétiques (en favorisant la diversité des formes des plantes de la collection, ce qui est en général ce que recherche tout collectionneur), ou si les conditions de culture ne sont pas constantes ou mal maîtrisées.

La conclusion qui s’impose est qu’il ne faut pas considérer les collections de cactées, particulièrement celles qui sont anciennes, comme des « réservoirs » ou des « conservatoires » de plantes d’habitat : nous sommes vraiment dans le domaine de l’horticulture, avec tous les paramètres de culture qui y sont liés, et qui ne correspondent pas souvent aux conditions de l’habitat naturel.


Pour le vocabulaire scientifique, consulter le glossaire.


Auteur : Fabrice Cendrin
Publié le : 2009/08/16
La version originale de cet article est consultable sur le Cactus heuristique

COMMENTAIRES Vous pouvez commenter cet article ou lire les commentaires postés.