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Euphorbia audissoui Marx sp. nov. – Une nouvelle espèce d'Euphorbe succulente de la Province du Cap occidental en Afrique du Sud

Par Gerhard Marx.

Cet article est paru originellement en anglais dans la revue Euphorbia World Vol. 10 No. 1 - Avril 2014

1

Une nouvelle espèce d'euphorbe succulente (Euphorbiaceae - Euphorbia subgenus Athymalus Neck. ex Rchb. section Anthacanthae Lem. subsection Medusae (Haw.) Pax & K.Hoffm.)) de la province du Cap Occidental, Afrique du Sud, est formellement décrite. Elle est nommée en l'honneur de Jean-André Audissou qui fut le premier à la trouver dans la nature et à la reconnaître comme une nouvelle espèce.









Une plante mature de E. audissoui poussant au bord de la route. Les branches peuvent pousser jusqu'à 20 cm de long.


La découverte

Il est difficile de croire que des espèces de succulentes non décrites peuvent encore se cacher dans cette région de l'Afrique du Sud qui a été botaniquement explorée depuis plus de 200 ans alors que pendant ce temps de grandes zones de végétation naturelle ont été détruites par l'agriculture.

Et pourtant, les petites zones d'habitat relativement indemnes contiennent encore une telle richesse d'espèces succulentes que la partie sud-ouest du Cap demeure une région de prédilection pour les touristes aimant les succulentes. En outre et aussi étonnant que cela puisse paraître, la région semble encore cacher des espèces végétales nouvelles et non identifiées.

Cette nouvelle découverte a été faite en 2007 par l'amateur de succulentes français Jean-André Audissou dans une petite zone à l'est de Albertinia. Il y a rencontré une Euphorbia medusoïde poussant sur le bord de la route qu'il n'a pas pu identifier et qu'il soupçonna d'être nouvelle. Au cours d'une visite chez moi, il m'a montré des photos de la plante et, moi aussi, j'ai du admettre honteusement que je ne pouvais lui donner aucun nom connu.

Comme il arrive souvent, très peu de temps après, la même espèce a également été trouvée par mon voisin et ami Vincent de Vries. Il fut quelque peu surpris par mon manque d'étonnement quand il m'a montré ses photographies. N'est-il pas étrange que pendant des décennies quelque chose reste à découvrir et au moment où il est trouvé par quelqu'un, une autre personne peut faire la même découverte en l'espace de quelques semaines ou mois ?

Les théoriciens des champs morphiques vont sourire et hocher la tête.

À première vue, cette nouvelle espèce d'euphorbe rappelle simplement E. inermis Mill., et apparentées, de la province du Cap Oriental ainsi que Euphorbia colliculina A.C.White, R.A.Dyer & B.Sloane du Petit Karoo. En fait, elle semble presque identique à certaines populations de E. huttonae N.E.Br. (précédemment E. inermis var. Huttonae (N.E.Br.) A.C.White, R.A.Dyer & B.Sloane) en termes d'aspect général et de taille.


Les branches anguleuses et tuberculées avec des pédoncules floraux persistants rappellent quelque peu E. audissoui. Détail des fleurs d'Euphorbia huttonae (forme de Hunts Drift).
Les branches anguleuses et tuberculées avec des pédoncules floraux persistants rappellent quelque peu E. audissoui. Détail des fleurs d'Euphorbia huttonae (forme de Hunts Drift).


Une des raisons pour lesquelles il a récemment été décidé de considérer E. huttonae comme une bonne espèce au lieu d'être une variété de E. inermis (Bruyns 2012) était fondée sur le fait que chez E. huttonae le système racinaire ne se développe pas en une série de racines fusiformes renflées sous la tige, mais se rétrécit peu à peu et finit par se diviser en quelques racines fines. Une autre caractéristique qui place E. huttonae encore plus proche de E. audissoui Marx sp. nov. en apparence est la présence de pédoncules floraux persistants sur les branches. Ces robustes pédoncules restent vivants et charnus comme des branches secondaires le long de la moitié supérieure des branches.

Cependant, les différences entre les fleurs d'E. audissoui et E. huttonae sont radicales et clairement évidentes : jaune vif chez E. huttonae et brun foncé chez E. audissoui. Les tubercules sur les branches de E. huttonae sont disposés dans des rangées longitudinales moins marquées, allant jusqu'à neuf ou dix, alors qu'ils restent constamment en cinq rangées dans E. audissoui.

En outre, il y a une séparation géographique importante, E. audissoui poussant à plus de 400 km du site d'E. huttonae le plus proche.


Détail des branches d'E. audissoui avec les pédoncules charnus et persistants de l'inflorescence le long des parties supérieures des branches Une vue rapprochée de branches fleuries d'E. audissoui. L'inflorescence au centre de la photo montre la structure des fleurs en forme de cyme avec un robuste pédoncule primaire portant 2 cyathes sur les pédoncules secondaires. Vers le coin supérieur droit de l'image, on peut voir le cyathe généralement solitaire sur les pédoncules simples, naissant directement de l'aisselle des tubercules. Un groupe d'E. audissoui dans l'habitat. Occasionnellement le haut de la tige principale peut dépasser du sol, comme c'est le cas pour la plante du premier plan.
Détail des branches d'E. audissoui. Notez les pédoncules charnus et persistants de l'inflorescence le long des parties supérieures des branches Une vue rapprochée de branches fleuries d'E. audissoui. L'inflorescence au centre de la photo montre la structure des fleurs en forme de cyme avec un robuste pédoncule primaire portant 2 cyathes sur les pédoncules secondaires. Vers le coin supérieur droit de l'image, on peut voir le cyathe généralement solitaire  sur les pédoncules simples, portée directement de l'aisselle des tubercules. Un groupe d'E. audissoui dans l'habitat. Occasionallement le haut de la tige principale peut dépasser du sol, comme c'est le cas pour la plante du premier plan..


Euphorbia colliculina de la région d'Oudtshoorn est également assez semblable à E. audissoui, de taille et de forme comparables mais avec de nombreuses différences florales et quelques autres morphologiques. Les glandes involucrales d’E.colliculina sont de couleur vert clair à vert foncé et de forme elliptique – allongée, s’étalant à l’horizontale et dépourvues d'excroissances marginales. Les branches n'ont pas les pédoncules persistants charnus et les tubercules sur les branches sont plus petits et plus nombreux et non disposés en cinq rangées longitudinales comme dans E. audissoui.

Euphorbia colliculina poussant dans la banlieue nord d'Oudtshoorn dans le Petit Karoo. Les plantes rappellent superficiellement E. audissoui mais souvent une zone centrale dénudée est présente et les branches ne sont pas pentagonales. Les fleurs Euphorbia colliculina avec le cyathe jaune vif. (Photo: V. de Vries)
Euphorbnia colliculina poussant dans la banlieue nord d'Oudtshoorn dans le Petit Karoo. Les plantes rappellent superficiellement E. audissoui mais souvent une zone centrale dénudée est présente et les branches ne sont pas pentagonales. Les fleurs Euphorbia  colliculina avec le cyathe jaune vif. (Photo: V. de Vries)


Euphorbia audissoui semble être assez isolée dans une région beaucoup moins richement dotée en espèces d'euphorbes que ne l'est la province du Cap oriental (Eastern Cape). Il n'existe aucune espèce euphorbe connue qui puisse être considérée comme étant étroitement apparentée à E. audissoui dans la région d'Albertinia.

E. pugniformis Boiss. (= E. procumbens Mill.), plus petite, est géographiquement proche, mais la parenté est éloignée avec de nombreuses différences de taille et de morphologie des fleurs comme de la plante.

Une espèce plus ressemblante, bien que très superficiellement, est E. muirii N.E.Br. qui pousse le long de la plage dans la région de Hartenbos et de Still Bay.
Elle aurait également été trouvée dans la région d'Albertinia, mais ce sont probablement d'anciennes observations d' E. audissoui, mal interprétées à cause d'une ressemblance superficielle et assimilées alors à E. muirii. Ce malentendu explique peut-être le fait que cette nouvelle espèce n’ait pas été repérée et ni nommée depuis si longtemps.
E. muirii appartient au groupe E. caput-medusae et E. marlothiana et les différences entre ce groupe et E. audissoui sont si nombreuses et si évidentes qu'une liste détaillée ici serait inutile. En bref, E. muirii se caractérise par ses branches minces, désordonnées et rampantes, souvent produites sous terre à partir de la tige principale. La caractéristique la plus distinctive de E. muirii réside dans ses fleurs voyantes aux grandes glandes étalées, pourvues d'excroissances digitiformes de couleur blanc-jaunâtre.

E. audissoui est actuellement connu dans deux localités, séparées de quelques kilomètres, à l'ouest de la rivière Gouritz située à l'est d'Albertinia. Au moment de la découverte, les deux localités connues étaient situées sur des terres agricoles privées, mais les zones sont maintenant incluses dans le Garden Route Game Reserve en incessante expansion. Les mesures des plantes et les photographies dans d'habitat ont été prises sous l'oeil vigilant de deux guépards vivant plus haut sur la pente et avec quelques buffles du Cap à proximité.

2

L'habitat d'Euphorbia audissoui. Une légère pente orientée au nord-ouest, recouverte de peu d'herbes, d'arbustes du Karoo et de nombreux Aloe ferox Mill.

Description

Euphorbia audissoui Marx sp. nov.

Holotype: South Africa, Western Cape Province, 3421 BA (Albertinia) ; J.G. Marx 798 (GRA) (Les données de la localité précises ainsi que la documentation associée à l'holotype ne sont pas citées ici).

Succulente naine inerme dont la tige principale sub-cylindrique de 12 à 16 cm d'épaisseur s'effile progressivement et en continu en une racine napiforme qui s’enfonce de 50 cm ou plus dans le sol.
Nombreuses branches rayonnantes densément serrées naissant du sommet aplati et de l'apex de la tige principale, ne laissant qu'une très petite, parfois inexistante, zone centrale sans aucune ramification.
Branches nettement pentagonales, atteignant 20 cm de long et 8-12 mm d'épaisseur, constituées de 5 rangées de tubercules hexagonaux, légèrement proéminents, tesselés et alignés, dont l'arrangement en spirale et l'effilement vers l'extrémité des tiges est presque imperceptible.
Pédoncules des fleurs primaires, persistants, robustes et disposés irrégulièrement, subsistant le long de la moitié supérieure des branches à la manière de branches secondaires avortées.
Chaque tubercule porte, au niveau de son apex surélevé, une proéminente cicatrice foliaire blanche semi-arrondie. Feuilles de 3 mm de long et 2 mm de large, rudimentaires, charnues, ovales, concaves, rapidement caduques, présentes seulement sur quelques tubercules en bout de branches.
Inflorescence axillaire près du sommet des branches.

Cyathe apparaissant soit seul sur un pédoncule solitaire naissant à l'aisselle des tubercules vers le bout des branches, soit en cyme par paires sur des pédoncules robustes et persistants atteignant 6 mm de long et 4 mm d'épaisseur ; Les pédoncules des cyathes d'environ 6 mm de long, érigés, robustes, glabres, portent 3-5 bractées ; pédoncules des cymes primaires souvent persistants après avoir porté des fruits et restant verts et charnus comme de petites branches secondaires avortées.
Bractées rapidement caduques, en forme d'écailles, minuscules, ciliées. Involucre en forme de coupe, d'environ 3 mm de profondeur et 4 mm de largeur, sans compter les glandes, glabre, vert pâle ; Glandes au nombre de 5, de 2,5 mm de largeur et atteignant 2 mm d'épaisseur sans compter les excroissances, défléchies vers le bas à 45 °, glabres, piquetées, légèrement convexes, sub-orbiculaires par le haut avec 3-5 excroissances digitiformes courbées vers l'intérieur le long du bord extérieur, de couleur marron foncé avec des excroissances blanc-jaunâtre pâle atteignant 1 mm de longueur.
Cinq lobes atteignant 2 mm de large, arrondis, ciliés, vert jaunâtre pâle occasionnellement moucheté de rouge, aux dents irrégulières et laciniées.

Vue du dessus d'un cyathe d'E. audissoui, photographié au microscope. Les glandes repliées vers le bas, cachent les excroissances digitiformes le long de la marge externe. Cyathe d'E. audissoui, vu de coté. Photo prise au microscope montrant le cyathe et le pédoncule. L'échelle sur la droite est en millimètre. Vue de coté du cyathe avec l'involucre ouvert exposant l'ovaire pédicellé.
Vue du dessus du cyathe d'E. audissoui, photographié un microscope.
Les glandes repliées vers le bas, cachent les excroissances digitiformes le long de la marge externe. Cyathe E. audissoui, vue de coté. Photo prise au microscope montrant le cyathe et le pédoncule. L'échelle sur la droite est en millimètre. Vue de coté du cyathe avec l'involucre ouvert exposant l'ovaire pédicellé.


Fleurs mâles très déployées avec des filaments inclinés vers l'extérieur, pédicelles velus, de 2-3 mm de long, filaments glabres, blancs, de 1,5-2,5 mm de long, thèque1) des anthères vert avec marges rougeâtres, pollen jaune foncé.
Bractéoles 2) poilues, cylindriques, effilées, atteignant 3 mm de long, blanches.

Fleur femelle pédicellée, pédicelle atteignant 2 mm de long ; ovaire ovoïde, quelques poils sur la moitié inférieure, styles unis sur la moitié de leur longueur en une colonne courte, partie unie de 1 mm de long, partie libre se déployant vers le haut, cannelée sous l'apex mais avec des extrémités entières.

Capsule des fruits subglobuleuse à 3 lobes, de 5-6 mm de haut et 6 mm de large, avec quelques poils épars, vert clair brillant moucheté de vert plus foncé entre les lobes et également le long des crêtes carénées, centrales et verticales de chaque lobe.
Graine turbinée, à quatre angles indistincts, finement rugueuse, atteignant 3,5 mm de haut et 3 mm dans sa plus grande largeur, de couleur brun sable très pâle, parfois avec de très subtiles et irrégulières mouchetures sombres.

Remerciements

Je remercie Jean-André Audissou et Vincent de Vries pour avoir porté cette nouvelle espèce à mon attention ainsi que Mr. Hein Schoeman et le personnel du Garden Route Game Lodge pour leur assistance et leur permission d'étudier les plantes dans l'habitat.
Rikus van Veldhuisen mérite une reconnaissance particulière pour la relecture du texte et pour les corrections cruciales faites avant publication.

Bibliographie

  • N. E. Brown (1915): Euphorbieae. In W. T. Thiselton-Dyer (ed.): Flora Capensis, 5(2): 306-334 3)
  • P. V. Bruyns (2012): Nomenclature and typification of southern African species of Euphorbia. Bothalia 42(2): 217–245
  • A. C. White, R. A. Dyer & B. L. Sloane (1941): The Succulent Euphorbieae, Vol. 1. Pasadena, Calif., Abbey Garden Press.

Texte original en anglais par Gerhard Marx.
Traduction par Alain Laroze.
Relecture et correction par Eric et Philippe.
Publié le : 2017/02/11

COMMENTAIRES Vous pouvez commenter cet article ou lire les commentaires

1)
NdT : partie de l'anthère renfermant le pollen, contenu dans deux sacs polliniques.
2)
NdT : petite bractée, sorte de petite feuille modifiée, positionnée à l'aisselle de chacun des rayons (pédicelles) d'une inflorescence composée ou d'un cyathe. C'est donc une bractée secondaire à la base des pédicelles floraux d'une inflorescence composée.
3)
NdT : Euphorbiaceae commence page 216. Euphorbieae commence page 220. Euphorbia commence page 222 et finit page 375.