EUPHORBIA CLAVARIOIDES
Originellement publié dans la revue Cactus & Co, 2004 Vol. VIII, n°3.
Merci à Daphne Pritchard et à Cactus & Co pour leurs autorisations de traduction et publication ici.
Texte & Photos: Daphne Pritchard
Euphorbia clavarioides Boiss. est connue depuis de nombreuses années et présente une large distribution en Afrique du Sud, depuis ce qui était autrefois le Transvaal, jusqu’à la province de l’Eastern Cape au sud, en passant par le Free State et le Lesotho. Elle fut d’abord découverte par Drège dans les années 1830 dans les montagnes du Sneeuwberg, puis, quelques années plus tard, signalée par le Dr Galpin dans la région de Queenstown. L’espèce fut décrite par Boissier en 1860, avec le district de Graaff-Reinet, dans les montagnes du Sneeuwberg, comme localité type, et présente une distribution comprenant1) la province du Cap avec les districts de Graaff-Reinet, Cradock, Queenstown et Hanover ; le Lesotho avec les districts de Maseru et Leribe ; ainsi que le Transvaal et le Natal avec de nombreuses autres localités pour la var. truncata 2).
La caractéristique la plus remarquable d’E. clavarioides est de former de grands coussins arrondis composés d’une multitude de petites têtes. Le corps de la plante, complètement enterré, est le prolongement de la racine principale. Lorsqu'il forme des branches, elles naissent juste au dessus du niveau du sol. Cependant à maturité, elles disparaissent sous le niveau du sol, se ramifiant de la même manière, les nouvelles branches juste au-dessus du niveau du sol. A son tour cette ramification secondaire disparait dans le sol à maturité, de nouvelles branches apparaissant juste au dessus du niveau du sol.
Le processus se poursuit ainsi, formant à terme des coussins formés d’une multitude de petites têtes arrondies d’environ 1cm de diamètre chacune. Avec le temps ces coussins peuvent être composés de centaines de petites têtes et des buttes de 1 m de diamètre et plus ont été relevées, en particulier au Lesotho où ces plantes sont très prolifiques, spécialement dans les zones montagneuses où elles semblent prospérer dans les sols basaltiques. Harry Hall rapporte avoir vu au Lesotho une plante de quelques 4ft de diamètre (appr. 122 cm). (Euphorbia Journal Vol. 2).
Le cyathe d’E. clavarioides a des glandes nectarifères jaune-verdâtre vif, et, pendant la période de floraison, les coussins ont un aspect saisissant, les cyathes apparaissant au sommet des branches. Les feuilles sont très petites et rapidement décidues. Par temps chaud et sec, les plantes ont tendance à virer au rouge foncé, particulièrement en terrain découvert, mais à l’ombre, elles ont davantage tendance à garder leur couleur verte normale.
En 1860, quand Boissier décrivit l’espèce, elle n’était connue qu'en sa localité type, mais, plus tard, des plantes en coussins presque identiques furent trouvées dans ce qui était alors le Basutoland (maintenant Lesotho), et furent décrites par Marloth en 1909 en tant qu’Euphorbia basutica. En 1915 une plante similaire venant du Transvaal fut décrite par N. E. Brown, mais en l’occurrence, les coussins étaient plutôt plats et la plante se ramifiait différemment. La tige principale prolongeait la racine comme chez E. clavarioides et était enfoncée presqu’en dessous du niveau du sol, mais les branches partaient toutes de la tige principale avec les extrémités émergeant à peine du sol. Ainsi les branches à la périphérie du coussin étaient les plus longues, et leur taille diminuait en se rapprochant du centre. L’extrémité des branches de cette euphorbe avait tendance à prendre une forme de massue, et N. E. Brown lui donna le nom d’Euphorbia truncata 3).
Au regard des points communs entre ces espèces en coussins, il a été décidé de les réunir sous le nom plus ancien d’E. clavarioides, mais en en faisant deux variétés. E. basutica était si proche d’E. clavarioides qu’elle a été incluse dans E. clavarioides var. clavarioides, et E. truncata est devenue E. clavarioides var. truncata. La distribution de cette dernière comprend :
- le Transvaal où elle est fréquente en de nombreux endroits élevés du veld 4), incluant les districts de Zoutpansberg, Lydenburg, Middleburg, Carolina, Ermelo, Standerton, Johannesburg, Pretoria et Marico,
- le Natal : district d’Escourt
- Le Bechuanaland britannique : Vryburg 5).
On remarque que les habitats des deux variétés se chevauchent.
La localité type d’E. clavarioides var. truncata est située dans le Transvaal, une région qui a depuis été divisée en Northern Province6), North West Province, Gauteng et Mpumalanga. En 1990 mon mari et moi cherchions Frithia pulchra dans les montagnes du Magaliesberg au nord-ouest de Johannesburg (dans le Gauteng) et c’est là que nous vîmes les premières plantes d’E. clavarioides var. truncata. Nous fûmes impressionnés par la taille des coussins et par la dimension constante des nombreuses petites têtes qui les composaient. Peu après, nous séjournâmes dans la région de Graaff-Reinet et décidâmes que nous devions chercher E. clavarioides var. clavarioides, puisqu’il s’agissait de la localité type de cette variété. Nous avions vu dans ‘The Euphorbieae’ (Southern Africa) une photo d’une plante de cette espèce poussant près du village de Nieu Bethesda : quel meilleur endroit pour entamer notre quête.
Il ne fut pas difficile de trouver les plantes. A notre première visite nous nous rendîmes au village par le nord et trouvâmes des spécimens de toutes tailles poussant près de la route. Lors de nos visites suivantes, nous avons trouvé E. clavarioides var. clavarioides poussant le long des autres routes menant à Nieu Bethesda. Ces dix dernières années environ, nous avons rendu visite à ces plantes de nombreuses fois et les avons vus progressivement atteindre une belle taille, la plus grande que nous ayons vue mesurant environ 80 cm de diamètre. Toutes les plantes paraissaient en bonne forme, à l’exception de quelques têtes occasionnellement abimées, probablement du fait d’animaux. Dans le Lesotho, les plantes de cette espèce souffrent d’attaques fongiques et les fruits sont fréquemment gâtés par des insectes, mais nous n’avons rien vu de cela autour de Nieu Bethesda et Graaff-Reinet.
Au cours de nos voyages, nous avons trouvé une colonie intéressante d’E. clavarioides var. clavarioides dans la région de Richmond où toutes les plantes ont des têtes exceptionnellement petites de seulement 0,5 cm de diamètre. Certaines plantes poussent en terrain rocailleux, entre les rochers, mais d’autres non, et toutes avec des têtes de taille similaire. Nous avons observé ces plantes sur une période d’environ 7 ans, et bien qu’elles aient grandi, les têtes sont restées petites. L’habitat est situé à une altitude assez élevée, et il est reconnu que les plantes de cette espèce préfèrent ces conditions et deviennent plus grandes que celles poussant à plus basse altitude, mais il ne semble pas que cela soit à l’origine de ces plus petites têtes. La région est bien située sur la frange ouest de l’aire de répartition de cette espèce, mais, à nouveau, cela n’explique pas d’aussi petites têtes. Nous espérons continuer à nous rendre sur cette zone et observer l’évolution de ces plantes.
Au regard de la distribution étendue d’E. clavarioides Boiss. et du fait qu’elle soit connue depuis longtemps, il n’est pas étonnant d’apprendre que les indigènes ont trouvé des usages variés à ces plantes. Larry Mitich, dans Euphorbia Journal Vol. 2, indique que les indigènes de l’extrême est du Transvaal utilisent le latex de la plante pour traiter les verrues et les tumeurs cancéreuses, et que les tribus parlant le Bantu en tirent une lotion pour baigner les pieds gonflés. Le latex est également utilisé pour faire de la colle. Le latex d’E. clavarioides var. truncata est connu comme remède par voie orale contre les rhumes, gonorrhées et appendicites aigües. C’est un puissant vomitif et purgatif ! Les indigènes font également bouillir la plante, en récupèrent le jus et l’utilisent pour supprimer les vers parasitant les intestins du bétail, pour en oindre les pieds, et pour en faire de la glue. Ces utilisations paraissent toutes très dangereuses et on peut se demander si, dans le cadre de cet usage médicinal, elles ne font pas plus de mal que de bien.
Un article intéressant de Koos Venter dans Euphorbia Journal Vol. 5 rapporte qu’à l’occasion de la mise au point du Highland Water Project entre l’Afrique du Sud et le Lesotho, Pik Botha, le ministre sud-africain des affaires étrangères, reçut du major général Metsing Lekhanya, le chef de la junte militaire du Lesotho, une plante vivante d’E. clavarioides. Le général expliqua à M. Botha que cette plante était particulièrement appréciée dans son pays et que les jeunes filles célibataires s’en frottaient la sève sur leurs seins pour séduire leurs galants. Une photo de l’évènement accompagne l’article.
Le Lesotho est probablement l’habitat le plus dense d’E. clavarioides var. clavarioides et de nombreux spécimens gigantesques peuvent y être trouvés poussant à flancs de montagnes. Ils sont très utiles au rare Aloe polyphylla pour lequel ils servent de pouponnière, ses semis et jeunes plants poussant à l’abri du coussin formé par cette euphorbe.
A ma connaissance, E. clavarioides n’est pas une plante appréciée des collectionneurs, peut-être parce qu’elle n’est pas rare. Cependant pour les amateurs de concours, un spécimen mature de cette espèce peut constituer une pièce impressionnante sur la table d’exposition, ainsi que cela peut se voir sur la photo des concurrents du B.C.S.S. National Show de Luton, il y a quelques années, où il remporta le premier prix en dépit du fait que quelques têtes étaient devenues monstrueuses. Cette plante fut aussi présentée au E.S.G. Show de Birmingham quelques années plus tard, où elle remporta à nouveau le premier prix.
Bibliographie
WHITE A., DYER R.A. and SLOANE B.I. 1941. The Succulent Euphorbieae (Southern Africa), pp. 297-
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HALL H. 1984. Euphorbia hallii & Notes on Some South African Euphorbias. The Euphorbia Journal,
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MITICH L. 1984. The Succulent Euphorbias: Poisonous and Medicinal. The Euphorbia Journal, Vol. 2,
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HARGREAVES B.J. 1992. Volcanoes and Spurges: Euphorbia clavarioides in Lesotho, The Euphorbia
Journal, Vol.8, pp. 103-110. Strawberry Press, Mill Valley, California.
Adresse de l'auteur
11, Shaftesbury Ave., Penketh, Warrington, Cheshire WA5 2PD, Angleterre.
e-mail: 101723.3005([à])compuserve.com
Traduit pour le Cactus Francophone par Philippe Corman
Relu par Eric Mare
Mise en page Alain Laroze
Publié le 2010/07/03
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