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Raid Chili Pépère, 24 mai : Quebrada Botija - Antofagasta

Quebrada Botija - Antofagasta

J'ai mieux dormi qu'à Guanillos. Je dois commencer à m'habituer. Mais dès qu'il y eut un peu de lumière du jour, je fûs debout. Mes camarades aussi. Il faut dire que nous ne sommes pas n'importe où. Nous sommes à l'entrée de la Quebrada Botija (A58). La vallée aux 4 espèces de Copiapoa dont le mythique C. solaris. Nous sommes tous impatients de commencer la randonnée. Aussi, à 8 heures, notre petit déjeuner pris, nos affaires enfermées dans les voitures, nous sommes prêts au départ ; d'autant que le vent froid et le ciel gris ne donnent pas envie de s'éterniser ici.

Copiapoa ahremephiana Sur toute l'embouchure de la Quebrada Botija, c'est à dire la Caleta Botija, depuis le bord de mer, jusqu'à quelques centaines de mètres en remontant la vallée, la seule végétation visible est constitué de Copiapoa ahremephiana. On ne peut pas dire qu'ils soient vraiment jolis. Ils forment des touffes jusqu'à une cinquantaine de tête de 4 à 8 cm de diamètre, de couleur gris vert. Les épines de l'apex sont rouges, puis les autres s'éclaircissent en un jaune orangé. A bien y regarder, on peut y voir une parenté avec C. haseltoniana, dont C. ahremephiana pourrait être une forme nanifiée. Il y a beaucoup de plantes mortes ou pas loin de l'être. Toutes sont plus ou moins en mauvais état, souvent les touffes sont desséchées sur un coté. Les moins touchées sont celles qui poussent à l'abri de rochers, peut être est-ce le vent ou le sable charrié par celui ci qui les abîme. On peut se demander pourquoi Ritter n'a pas décrit ces plantes alors qu'il a décrit Copiapoa varispinata présent à quelques kilomètres plus au sud dans les collines accessibles seulement à pied alors que C. ahremephiana est visible depuis la piste. Ces 2 Loasa fruticosaespèces ont longtemps été confondues par de nombreux voyageurs, trompés par ce paradoxe, et qui ne se sont pas attardés sur la description de la plante. Roger Ferryman fût l'un des premiers à distinguer ces 2 Copiapoa et il a donné aux plantes trouvées à la Caleta Botija le numéro de collecte RMF 53. Lorsque presque 10 ans plus tard cette espèce a été enfin décrite, c'est tout naturellement qu'elle a été nommée en l'honneur de Roger Ferryman. C. ahremephiana est en effet une latinisation de l'acronyme RMF prononcé à l'anglaise 'ar-em-ef'.

Quebrada Botija
Le paysage est presque entièrement minéral. A partir de l'entrée de la vallée, nous trouvons tout de même quelques plantes feuillues, la plupart sont desséchées mais quelques-unes unes sont en fleurs. Elles se trouvent exclusivement sur le plancher de la vallée. Sur les cotés, il n'y a que quelques Copiapoa en mauvais état. La pente de la vallée est assez raide. En moins de 3 km nous allons monter de plus de 300m. En cours de route nous croisons une pelle et une pioche appuyées l'une contre l'autre au milieu du chemin. Nous supposons qu'il s'agit d'une signalisation mise en place par les prospecteurs. Peut être pour marquer leur territoire.

Copiapoa decorticans A mi-chemin, alors que les C. ahremephiana deviennent de moins en moins nombreux, nous apercevons le premier Copiapoa decorticans. Pendant 10 ans désignés sous l'appellation Copiapoa sp. Botija, c'est en 2002 qu'il a été décrit, le nom faisant référence aux tiges des plantes âgées dont la chair se dessèche et laisse apparaître le cortex ligneux. Il peut faire des tiges assez longues, jusqu'à 1 mètre, regroupées en touffes et se couchant sur le sol, dont seule l'extrémité se relève. L'épiderme est vert et les épines assez courtes. Nous n'avons pas vu une seule fleur et n'avons trouvé qu'un seul fruit. Ceci avec l'absence de jeunes spécimens semble confirmer la réputation qu'a cette plante d'être au bord de l'extinction. D'autant qu'on ne la trouve que dans cette vallée et sur les sommets environnants.

Copiapoa atacamensis Une autre espèce fait son apparition quelques minutes plus tard : Copiapoa atacamensis. Beaucoup plus belle que la précédente, cette espèce est plutôt solitaire (au moins les spécimens que nous avons vus à cet endroit de la vallée. Il semblerait que dans d'autres localités et surtout en altitude elle puisse former des touffes de belle taille), les plus grosses de la taille d'un melon, l'épiderme gris-vert, les côtes plus larges surmontées d'épines de 2 à 4 cm de long. C'est plutôt une plante d'altitude, aussi à cet endroit de la vallée, il y en a peu, mais sur les hauteurs, la population est plus importante.

Copiapoa solaris Le bout de la Quebrada Botija à la forme d'un T. La vallée qui jusqu'ici allait plein est se divise alors en 2 branches, l'une allant vers le nord, l'autre vers le sud. Aussi, au détour d'une boucle, nous nous retrouvons face à un flanc de montagne. En soit, rien d'extraordinaire, sinon que celui ci est recouvert de Copiapoa solaris. Inutile d'avoir le nez dessus pour les voir. Les plus grosses touffes font jusqu'à 2m de diamètre. Même en culture cette espèce a une croissance très lente. Je ne crois pas me tromper en disant que les plus grosses touffes doivent être pluricentenaires voire millénaires. Elles font jusqu'à 1 mètre de haut, formées de plusieurs centaines de tiges d'environs 10 cm de diamètre et d'une couleur vert clair. Les épines sont assez épaisses, souvent recourbées, nombreuses de 5 à 6 cm de long. Nous sommes ici proche de l'extrémité sud de l'aire de répartition, c'est une des populations répertoriées les plus saines. Celles qui poussent plus au nord sont quasiment toutes mortes.

Copiapoa solaris
Nous avons vite fait de poser nos sacs à dos dans un coin et de nous éparpiller. Les uns remontant la vallée vers le nord, les autres vers le sud et les derniers en grimpant le versant couvert de solaris. J'optais pour ce dernier choix. L'ascension ne fut pas aisée, la pente est raide et le sol glissant, mais cela valait le coup. Les plantes sont splendides quelques-unes unes sont en fleurs, d'autres portent des fruits, mais dans l'ensemble elles semblent au repos. Certaines touffes sont moribondes, d'autres sont mortes, donnant l'impression d'être carbonisées, les anciennes tiges blanchies et réduites de moitié en diamètre et les épines totalement noires.

Copiapoa solaris Ce ne sont pas les seuls cadavres qui jonchent cette colline. Tout autour de moi, il y a de petit tas de cendres. Ce sont des restes de Deuterocohnia chrysantha. A une époque cette colline devait être verdoyante. Mais il y a combien de temps ? Depuis quand ces restes sont là, à se dessécher au soleil ? Depuis des années, probablement des dizaines d'années et peut être des centaines. Il reste quelques spécimens vivants, mais la majorité est morte.
A partir d'une certaine hauteur, les Copiapoa solaris disparaissent et sont remplacés par des C. décorticans. Je ne pense pas que ce soit l'altitude qui soit responsable de ce changement, puisqu'il y a des decorticans plus bas et des solaris plus haut, mais plutôt la composition du sol. Les 2 espèces sont exclusives. Là où pousse l'une il est rare de trouver l'autre.

Copiapoa solaris Ce n'est pas tout de monter, mais arrivé un moment il faut penser à descendre. J'opte pour la prudence et une descente en zigzag jusqu'à ce que je trouve une piste de guanaco. La descente se fait alors plus confortablement. Elles sont utiles ces bestioles ! Le chemin me mène jusqu'au lit d'un torrent (sec évidement). Et là entre les pierres, je trouve quelques Eriosyce paucicostata ssp. floccosa, reconnaissable avec leurs poils blancs mêlés aux épines noires.
Cela fait maintenant 2 bonnes heures que nous nous sommes dispersés, il est temps que je retourne au point de ralliement. C'est même une urgence parce que je commence à avoir du mal à poser le pied droit par terre. Mes chaussures ne sont pas faites pour crapahuter à flanc de colline, sur un sol qui se dérobe à chaque pas. C'est avec soulagement que je retrouve Inès et Georges à coté des sacs, et surtout que je peux m'asseoir et enlever mes chaussures. Il est midi, peut être l'heure de manger. Pique-nique mémorable, au fond de la vallée de Botija, installés confortablement au soleil, entourés de Copiapoa solaris.
Après avoir repris quelques forces, je suis reparti explorer la branche nord de la vallée. Celle ci est bordée sur un coté par une dune de sable. Marcel nous a dit y avoir vu des traces de pas de puma. Moi, je n'y ai vu que des C. decorticans et atacamensis, les solaris poussent sur l'autre versant à 100 mètres de là. Il y a aussi des Eulychnia iquiquensis en petite quantité, pas toujours en bon état et poussant uniquement dans le fond de la vallée. A 14h30 nous décidons de redescendre vers la voiture. Il nous faudra une petite heure pour cela. Nous sommes rattrapés en chemin par nos camarades les prospecteurs qui semblent avoir fini leur journée.

Copiapoa  arhemephiana Après un dernier regard aux C. arhemephiana, nous reprenons la route vers le nord. Nous passons à Blanco Encalada qui est un tout petit village de pêcheur, en tout une dizaine de cabanes. Le site est réputé pour ses Copiapoa solaris à quelques mètres de la piste. En effet, ils sont là. Mais dans quel état ! Il doit bien y en avoir encore quelques uns de vivant, mais plus pour longtemps. L'endroit est tellement sec !
Toutes les cartes du Chili montrent une piste qui part de Blanco Encalada vers l'est en direction de la Ruta 5. Mais celle ci n'existe plus. Un éboulement l'a emporté, il y a quelques années et elle n'a jamais était refaite. Il nous faut continuer le long de la côte jusqu'à El Cobre. Il y a là une usine de traitement du minerai en bord de mer, abandonnée depuis des années. Un endroit sinistre. L'usine n'est plus en activité mais le site est encore utilisé apparemment. Sûrement pour du stockage de matériel et, me semble t-il, de produits chimiques. Il reste des mines en activité dans les environs. Au bord de la route, il y a 2 hommes qui nous font signe de nous arrêter. Le plus jeune nous explique que le vieil homme doit aller à Antofagasta. Mais à ce moment de la journée, nous avions prévu de passer encore une nuit à la belle étoile. Nous ne pouvions l'emmener. Ce n'est que plus tard que nos plans ont changé.

Copiapoa solaris Après avoir contourné la colline, nous tombons sur un carrefour. Une piste part vers le nord, une autre vers le nord est qui grimpe dans la montagne. Ces 2 là ne vont pas bien loin, elles ne font que quelques kilomètres et s'arrêtent à des mines plus ou moins abandonnées. Après conciliabules, nous prenons celle qui part vers l'est puis tourne plein sud. Le paysage est purement minéral complètement recouvert de poussière fine.
Nous nous arrêtons pour quelques Copiapoa solaris qui poussent sur le bord de la piste… Qui poussaient, parce que ceux là sont morts depuis longtemps, il ne reste que des carcasses desséchées qui font illusion de loin. Nous sommes vers 600m d'altitude, il fait très frais. Le thermomètre de la voiture indique 14°C. Notre respiration forme de la buée. Il fait pour pourtant plein soleil et il n'est que 17h. Le froid, la fatigue, cet environnement sinistre de poussière et de plantes mortes ont raison de nos velléités de camper. Nous décidons de rejoindre Antofagasta. Il ne faut pas perdre de temps, il ne nous reste plus beaucoup de jour et nous avons devant nous des kilomètres de pistes de montagne. La voiture de tête soulève tellement de poussière que la seconde est obligée de suivre en laissant un bon kilomètre de séparation. De temps en temps, nous vérifions que nous sommes bien suivis par le panache de poussière là bas au loin.

Paysage d'Atacama Lorsque nous les perdons de vue, nous nous arrêtons pour les attendre. En sortant de la voiture nous sommes surpris par la température. Bien que nous soyons 1000m plus haut que tout à l'heure, il fait 10°C de plus. Nous sommes passé dans la couche d'air chaud d'altitude. La piste monte jusqu'à 1800m puis redescend doucement. Les paysages sont fantastiques. Le soleil couchant ne fait qu'accroître les nuances de rouges. Là bas, derrière nous vers l'ouest, entre les montagnes nous apercevons une mer de nuages. Des nuages secs, des nuages qui ne font pas de pluie. Puis la piste rejoint la route goudronnée qui va au Mont Paranal. Il ne nous reste plus qu'à rejoindre la Ruta 5 et filer vers Antofagasta où nous arrivons à la nuit tombée.

mer de nuages Après 2 jours de désert total, quel contraste que d'arriver dans cette ville de 300 000 habitants avec ses buildings, ses lumières, ses grandes avenues, ses feux rouges et sa circulation. Sans trop de difficultés nous trouvons l'avenue Arturo Pratt et l'hôtel Marsal recommandé par un guide bien connu. Toutes les villes du Chili ont une rue, une avenue, une place Arturo Pratt, le commandant de l'Esmeralda, le héros de la guerre contre le Pérou et la Bolivie au 19ème siècle.
Après avoir déchargé les voitures et pris une bonne douche méritée, nous partons en balade dans les rues d'Antofagasta à la recherche d'un restaurant. La quête n'est pas aussi facile que ça, et nous avons recours au truc infaillible : demander à une personne “catégorie senior”. Et effectivement, le monsieur interrogé nous donne une adresse dont nous n'aurons pas à nous plaindre. Non pas que le menu va varier énormément par rapport aux autres jours, mais ce sera bon et nous aurons l'ambiance. On nous fait d'abord traverser une salle bondée (le premier restaurant avec des clients que nous voyons depuis que nous sommes au Chili) pour nous amener dans la salle du fond. On nous installe à une grande table… juste sous la télé qui beugle. Devant mon regard suppliant Inès demande au serveur de baisser le son… manquant de créer une émeute. Même le jeune homme qui dîne en tête à tête avec une jeune fille donne de la voix pour qu'on remonte le son de la télé. Ce doit être ça le choc des cultures ! Le serveur, bien ennuyé, nous propose alors une table dans l'autre salle…. à coté du piano….nous faisant craindre le pire. Ne valait-il pas mieux la télé ? Eh bien non ! Les 2 pianistes étaient très bien. Ils ont d'abord joué dans un registre très latin, des musiques de chansons qui m'étaient inconnues. Un des clients, lui, semblait bien les connaître puisque plusieurs fois il se mit à chanter de sa belle voix de baryton.

Puis les pianistes ont remarqué que nous étions français. Nous avons alors eu droit à divers titres d'Edith Piaf et d'autres artistes bien de chez nous. C'était très sympathique. Le pisco sour et le vin chilien aidant, nous nous sommes même laissés aller à chanter en cœur un “ Non! Rien de rien … Non ! Je ne regrette rien” mémorable. Il fallait bien cette ambiance pour nous faire oublier que c'était notre dernier repas ensemble.


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